« Qu’on me mette un couteau sous la gorge, je ne m’arrêterai jamais de parler ». Elle ne lâche rien, Mila, même si elle vit un enfer au quotidien et ne donne pas cher de sa peau. « Peut-être que je serai morte dans cinq ans ». Chacun est libre de penser -et de dire- qu’elle n’aurait pas dû insulter l’islam. Mais, libres nous-mêmes, nous devons constater qu’elle n’a fait qu’user de sa propre liberté, n’enfreignant aucune loi de la République qui ne sanctionne plus le blasphème depuis 1881. Mais surtout, courageuse, ou téméraire, elle s’est exprimée à visage découvert devant ses « followers ». Ce qui n’est pas le cas des dizaines de milliers d’internautes qui, sous couvert d’anonymat, l’ont accablée d’insultes et de menaces de mort, l’obligeant à quitter l’école et à vivre cloitrée, sous protection policière. Prisonnière en liberté. Mais en vie, contrairement à Samuel Paty, victime d’un même déferlement de haine sur les réseaux sociaux, pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur … la liberté d’expression.
Hormis ces deux cas extrêmes, 20% des jeunes déclarent être ou avoir été l’objet de harcèlement sur les réseaux sociaux. Combien faudra-t-il de victimes de cyberharcèlement avant de s’attaquer sérieusement à la question de l’anonymat ? « L’ ensauvagement » croissant des réseaux sociaux et sa surenchère de violences mettent en péril la cohésion sociale et le « vivre ensemble », quand ce n’est pas la vie tout court. Et ce, par la grâce de l’anonymat qui autorise toutes les outrances sans la moindre responsabilité, sauf procédures judiciaires, aussi rares que traumatisantes.
Au lieu de réagir, le corps politique appelle à la prudence. La liberté d’expression est sacrée… Mais quelle confusion ! La presse n’est-elle pas libre en France, depuis la loi du 29 juillet 1881 ? Et, que je sache, l’anonymat y est exclu, l’auteur d’un texte-comme le directeur de la publication- étant responsables de ce qu’ils écrivent. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », dit la déclaration des droits de 1789. Il n’y a rien à ajouter. Si, un mot finalement : ce citoyen, il a un nom, et ce n’est pas « Poum214 ».
Quand on voit les ''sanctions'' d'avertissement qui n'ont strictement aucun impact à l'issue de ce procès, je doute réellement que celui-ci puisse servir de dissuasion. Il y aurait une mesure simple mais irréalisable en démocratie, privé d'internet et de téléphone les idiots qui vont trop loin dans leurs déclarations de haine en public.