Parue sur le site Le nouvel Économiste
Feel good
Comment une belle histoire d’amour naît dans la salle d’attente d’un psychiatre
En toute subjectivité,
par Frédéric Thiriez
Plus grand que le ciel, de Virginie Grimaldi,
Éditions Flammarion, 2024
Drôle d’endroit pour une rencontre. C’est dans la salle d’attente d’un psy qu’Elsa, très en retard comme d’habitude, tombe sur Vincent, très en avance comme d’habitude. Ce dernier poli et attentionné, la première brutale et sarcastique. Malgré elle, ces rencontres deviendront une habitude et elle se prendra même à les espérer.
Elsa, 42 ans, travaille dans une agence de pompes funèbres. Divorcée, un enfant de quinze ans, elle s’est résolue à consulter à la mort de son père, qui l’a anéantie. Elle ne fait que pleurer et dormir. Son chagrin est un véritable gouffre :
“Je peux presque le voir, c’est une masse sombre, informe, qui s’agrippe à mes chevilles, qui écrase ma poitrine, qui enfonce ses griffes dans ma chair, elle me suit partout, se faufile sous les portes, traverse les murs, parfois je crois l’avoir semée, mais elle est là, tapie dans un coin, prête à déployer ses longs bras pour me broyer”.
Vincent est un romancier à succès. C’est son éditrice qui l’a forcé à voir un psy six mois plus tôt, après qu’il a traité le PDG de sa maison d’édition de “merde” devant trois cents personnes. Vincent s’est plié à la démarche de bon cœur : “Je ne veux plus faire semblant d’aller bien”. Lui aussi est divorcé et père de deux petites filles de 7 et 10 ans qu’il voit une semaine sur deux. Il cache une profonde blessure que son psy aura beaucoup de mal à faire émerger. “Ma batterie est à plat. J’ai le cœur en hiver”. Lorsque le médecin le prie un jour d’aborder “le vrai sujet”, il s’attire cette réponse : “Il faut que je vous dise, docteur, je préfère quand vous ne parlez pas”.
Monologues révélateurs
La personnalité et l’itinéraire des deux personnages nous sont dévoilés en détail par les monologues qu’ils déroulent chacun devant le psy (“Ça finit par faire cher le monologue !”), avant que leur interaction prenne son envol hors du cabinet médical : un café, un repas, un voyage en voiture, en train… Ces deux-là se dévoilent, toujours avec une grande pudeur et non sans un certain humour : “Je sais que ça ne se voit pas de prime abord, mais je suis souvent très con. – Détrompez-vous, ça saute aux yeux”. Un soir d’orage, Vincent, privé de train, demande à Elsa de l’héberger pour la nuit. Sentant ses réticences, il poursuit : “Je fais le mariole, mais je suis comme toi en ce moment. Si je pouvais m’enfermer dans une grotte et ne voir personne, je le ferais”. Ils passèrent la nuit à parler.
Au-delà de la sincérité de l’écriture qui inspire douceur et gentillesse, le lecteur sera sensible surtout à la pudeur extrême du récit.
Elsa dira de cette soirée à son psy : “C’était avec un homme. Vous le … Peu importe. Il a déboulé chez moi à cause de la tempête. Il a un truc, je ne sais pas, quelque chose qui fait que je me suis sentie bien. On a parlé, c’était simple. Même les silences étaient faciles… Je ne suis pas prête. J’ai besoin de me recroqueviller, de me protéger. J’ai besoin de lécher mes blessures et de laisser le temps les cicatriser. J’ai besoin d’arrêter de venir ici. Je suis venue vous remercier, docteur. Et vous dire au revoir”.
Vincent restera sans nouvelles d’Elsa pendant trois ans. Mais l’histoire, heureusement, ne s’arrête pas là, vous l’avez compris et c’est à une fin heureuse que le lecteur aura droit. Ouf !
De son dixième roman, Virginie Grimaldi nous dit que son écriture “aura été aussi éprouvante que salvatrice. [Le roman] est né dans une période de chagrin, de celles que l’on traverse tous un jour, en s’accrochant aux bouées que l’on trouve”. Au-delà de la sincérité de l’écriture qui inspire douceur et gentillesse, le lecteur sera sensible surtout à la pudeur extrême du récit et à l’humour omniprésent dans les dialogues. Un roman plus qu’attachant.
Chronique à retrouver en suivant ce lien : https://www.lenouveleconomiste.fr/plus-grand-que-le-ciel-de-virginie-grimaldi-113585/
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